Le francoprovençal (ou arpitan)
Qu’est-ce que le francoprovençal?
Décrit seulement au 19e siècle par le linguiste italien Ascoli et dénommé ainsi parce qu’il présentait des caractéristiques communes à la fois avec le français (langue d’oïl) et le provençal (langue d’oc), le francoprovençal est une langue romane née du latin diffusé depuis Lyon, mais aussi, plus globalement, dans les zones de rayonnement des axes de transit romains qu’étaient les grands cols de l’arc alpin occidental (Grand-Saint-Bernard, Petit-Saint-Bernard, Mont-Cenis). Il regroupe diverses variétés parlées en France (surtout Rhône-Alpes), en Suisse romande (sauf dans le canton du Jura) et en Italie (Val d’Aoste, Piémont). En France, le francoprovençal est l’une des nombreuses langues autochtones, et son domaine linguistique historique représente le troisième en termes d’étendues géographiques, après les domaines oïlique et occitan.
Cette langue riche littérairement, mais qui ne fut jamais langue administrative, est souvent appelée « patois » par ses quelque 200 000 locuteurs (selon une estimation sans doute optimiste), et la perception que ceux-ci ont de leur espace linguistique de référence ne coïncide pas toujours avec la zone francoprovençale telle que la voient les linguistes.
Francoprovençal ou arpitan?
Depuis quelques années, le francoprovençal est également appelé ‘arpitan’, surtout par certains ‘néo-locuteurs’ issues des plus jeunes générations (en particulier au sein de l’Aliance culturèla arpitanna). Ils souhaitent à terme remplacer le terme « francoprovençal », ambigu parce qu’il évoque l’idée de « mélange » ou de Provence (une région située hors de la zone concernée). Ils soulignent que le terme ‘arpitan’ est plus mobilisateur, qu’il permet plus facilement de construire un sentiment d’appartenance avec la région transnationale où l’on parle des dialectes du même groupe, qu’ils appellent l’Arpitanie.
Sans rejeter aucunement le terme ‘arpitan’ (dont il est encore trop tôt pour s’avoir s’il pourra se généraliser), nous souhaitons pour l’instant continuer à employer le terme « francoprovençal », dont l’usage est bien ancré dans le monde universitaire et parce que certains des « patoisants » ont fini par se l’approprier. De plus, le terme, bien que complexe, a le mérite de rappeler que toute langue (y compris le français) peut être considérée à la fois comme autonome et comme proche des langues voisines au sein d’un continuum linguistique, en l’occurrence celui que constitue les langues romanes.
Écritures phonétiques et orthographe unifiée (dite ORB) : deux démarches complémentaires
Dans les années 1990, une orthographe unifiée (dite ORB) a été proposée par le linguiste Dominique Stich, afin de faciliter la transmission du francoprovençal, entravée par l’existence de multiples écritures phonétiques. Ces dernières sont en effet souvent difficiles à déchiffrer pour les personnes originaires d’autres régions que la région de production d’un texte. Bien qu’encore mal connue des adeptes des écritures locales, cette graphie tend à se répandre sur Internet.
Les écritures régionales de type phonétique, dans lesquelles ont été produits de nombreux textes littéraires, ont été le mode d’expression traditionnel des différentes régions du domaine et elles restent très utiles pour coller au plus près à la réalité linguistique des locuteurs. Du côté français, le système le plus utilisé est la graphie de Conflans, conçue dans les années 1980 par le Centre de la culture savoyarde. Nous le reprenons dans DicoFranPro pour le bressan, avec quelques modifications.
Une fois qu’on a transcrit dans la nouvelle graphie des textes traditionnels, l’ORB – de type étymologique donc plus proche de l’orthographe du français – permet à toute personne intéressée par le francoprovençal de lire ces textes anciens beaucoup plus facilement, et d’avoir ainsi accès à un patrimoine plus vaste.